Le tourisme s’adapte aux consommateurs, les produits évoluent en fonction des envies, des tendances et des nouveautés. Notre culture se transforme notamment avec l’apport des nouvelles technologies. Au-delà des caractéristiques individuelles, c’est tout une population qui développe des codes communs avec l’usage des réseaux sociaux et la diffusion accélérée de l’information. Dans ce sens, comment la culture numérique influence-t-elle le tourisme ?
L’Organisation Mondiale du Tourisme considère que « sans produits touristiques, une destination touristique ne peut se développer et si ses produits ne répondent pas aux besoins et aux attentes des touristes, il lui sera impossible de réaliser tout son potentiel. » (OMT, 2014). Pour tenter d’attirer des touristes qualifiés, les acteurs de destinations se basent soit sur ses caractéristiques intrinsèques pour construire un ensemble de points d’intérêts, soit sur le développement ex nihilo de prestations. Le tourisme doit donc se renouveler pour proposer de nouvelles prestations mais aussi pour réinterpréter des produits traditionnels et développer la construction d’un imaginaire collectif alternatif (exemple : 1-traditionnel : l’Irlande mythique, 2- réinterprété : l’Irlande de Games of Thrones).
La composition d’un voyage reste toujours issue d’une même volonté : celle de découvrir une culture, un paysage ou simplement de se déconnecter d’un quotidien pour se projeter ailleurs physiquement et mentalement. Cependant, le touriste évolue : les premiers départs en vacances conduisaient à l’écriture de cartes postales, aujourd’hui ils conduisent à des marques sur les réseaux sociaux (photographies, commentaires, hashtag, etc.). Au fil des générations, les touristes sont devenus plus sensibles aux nouveautés et plus exigeants sur les qualités des prestations. Des changements découlent de ces innovations technologiques, un besoin de connectivité constant, une sur-visibilité de leur expérience personnelle et le partage d’un avis ou d’un jugement (notation) sur chacune des étapes de l’expérience touristique.
Cependant, pouvons-nous parler d’une culture numérique commune des touristes ? Pour Dominique Cardon « les nouveaux médias numériques participent à l’accroissement de l’offre de produits de la culture de masse et, ce faisant, à l’élargissement des publics de la culture et à la recomposition de leur consommation culturelle. » Par culture de masse, nous entendons ce qui est « composé de l’ensemble des domaines non reconnus, non consacrés par la culture universitaire classique, c’est-à-dire la littérature non littéraire, la musique non classique » (Gabilliet, 2009). L’usage du numérique conduit donc à l’émergence d’une culture populaire à considérer pour le développement de nouveaux produits touristiques.
Cette culture numérique vient se superposer aux éléments touristiques traditionnels. Il n’est plus question de valoriser la qualité de cette culture mais d’en considérer l’impact auprès des publics. Par exemple, quel point commun entre Lana del Rey, Aya Nakamura et Ava Max ? Des clips vidéo tournés au château de Fontainebleau, avec respectivement 463 millions, 256 millions et 64 millions de vues sur YouTube (avec une localisation clairement identifiée « château de Fontainebleau » pour le clip d’Ava Max). Aucune vidéo de destination proposée par des institutionnels n’atteindrait autant de vues. On peut questionner la qualité de ces titres populaires cependant, en termes d’étude de réception, nous ne pouvons pas nier son impact sur la visibilité du château. Ainsi, l’imaginaire des lieux évolue : les visiteurs ne vont plus uniquement associer le château à son passé historique (lieu de résidence royale) mais au tournage d’un clip, d’une production télévisuelle (série Versailles à Fontainebleau) ou à la présence d’une personnalité reconnue.
La médiation culturelle se base généralement sur la présentation de l’histoire ou la sensibilisation aux ressources naturelles d’un lieu. Cependant, cette approche peut être complétée à travers des supports qui ne sont pas directement construits par les prestataires : clips musicaux et réseaux sociaux, cinéma et plateformes de streaming ou jeux vidéo et esport. Les mythes et légendes urbaines déployés en lignes pas les groupes de fans et de curieux viennent parfois remplacer les stratégies touristiques initiales, comme à Roswell ou les extra-terrestres se sont imposés face aux stratégies des institutions.
Parler de culture numérique implique le développement de codes culturels et sociaux identiques ou récurrents. On parle alors de digital natives, de génération X, Y, Z, de millenials, de geeks ou de nerds. Quel que soit le groupe identitaire conceptualisé, plusieurs codes et phénomènes issus du numérique peuvent questionner le tourisme.
Enfin, ces pratiques issues de la culture numérique construisent des traces exploitées par les acteurs. À travers toutes les données générées par les utilisateurs, c’est la possibilité de recomposer l’espace touristique pour cartographier des lieux touristiques, identifier les comportements émergents ou encore pour personnaliser l’offre. Cette culture numérique impacte le tourisme à travers l’émergence de codes et comportements à prendre en compte pour réinventer l’imaginaire collectif des destinations.
Bibliographie :
Dominique CARDON, « INTERNET – Les usages sociaux », Encyclopædia Universalis [en ligne]. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/internet-les-usages-sociaux/
France culture (2019) » À l’origine des « mèmes » », Interview de Maxime Coulombe par Yann Lagarde, 13/12/2019, https://www.franceculture.fr/societe/a-lorigine-des-memes
Jean-Paul Gabilliet (2009), «La notion de « culture populaire » en débat », Revue de recherche en civilisation américaine [En ligne], 1, URL : http://journals.openedition.org/rrca/173
OMT (2014), « Manuel sur le développement de produits touristiques », rapport en ligne https://www.unwto.org/archive/global/publication/manuel-sur-le-developpement-de-produits-touristiques
Phing, Agnes Ng May, and Rashad Yazdanifard (2014), « How does ALS Ice Bucket Challenge Achieve its Viral Outcome through Marketing via Social Media? » Global Journal of Management And Business Research.
Revillard Anne, (2000), « Les interactions sur l’Internet. (Note critique) », Terrains & travaux, 2000/1 (n° 1), p. 108-129. URL: https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2000-1-page-108.htm
Article publié sur : www.tom.travel
Lien de l’article : Click here