Les cadres de l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI) continuent d’esquisser les scénarios de la reprise. Ils étudient secteur par secteur et adressent leurs propositions au gouvernement. Les dernières en date concernent l’écosystème du tourisme-artisanat. Un secteur fortement impacté par la crise Covid et dont la relance doit se faire en préservant les 2 millions d’emplois directs et indirects. Il ne faut pas oublier non plus que le tourisme, métier mondial du Maroc, génère des recettes de l’ordre de 125 milliards de DH (dont 80 milliards en devises). Décryptage.
■ Unir les efforts et agir au plus vite
D’emblée, l’AEI appelle le gouvernement, les conseils régionaux, les professionnels du tourisme et le système financier à unir leurs efforts pour sauver, au plus vite, le premier métier mondial du Maroc, le tourisme, un écosystème représentant des millions d’emplois et plus de 80 milliards de DH de recettes directes en devises. Dans son analyse, l’Alliance souligne que «le Covid a mis en danger l’avenir de l’hôtellerie – épine dorsale du secteur-, le transport aérien, mais également les restaurants et cafés, le transport touristique, les agences de voyage et de location de véhicules, les musées et activités culturelles, l’évènementiel, le catering, l’entièreté des activités festives, les métiers de bouche et de loisirs, et les guides». S’ajoutent à ces derniers près d’un million d’artisans, de bazaristes et petits commerces directement liés à l’activité touristique. Sans compter les activités constituant la chaîne d’approvisionnement en biens et services du tourisme, urbains et ruraux, et ce de l’alimentaire et la lingerie à la banque et assurances, en passant par les coopératives et autres fournisseurs de matières premières aux artisans. Il s’agit d’un total de plus de 2 millions d’emplois directs et indirects liés au secteur qui sont menacés.
■ 5 axes prioritaires pour préserver 10 % de PIB
Dans son analyse, l’AEI rappelle qu’en plus des 80 milliards générés par le tourisme étranger, le marché interne génère, à lui seul, près de 45 milliards de DH de recettes, soit un total cumulé de l’ordre de 10% du PIB. En revanche, les Marocains dépensent officiellement près de 21 milliards de DH en devises, pour motif de voyages à l’étranger, ce qui représente plus de 26% des recettes devises du secteur. Compte tenu de l’importance de l’impact du Covid sur le tourisme, l’Alliance appelle le gouvernement à adopter, en urgence, un plan de sauvetage de cet écosystème. Conscient de l’importance de ces enjeux, le bras économique du Parti de l’Istiqlal propose un plan d’action incluant 10 grandes recommandations autour de 5 axes. Ceux-ci s’appuient sur «une gouvernance collégiale pour redémarrer le tourisme, le relancer, le réinventer et le développer», «préserver l’emploi, entretenir et renforcer le savoir-faire», «sauvegarder les entreprises et améliorer leur compétitivité», «adapter l’offre tourisme Maroc aux nouvelles exigences sanitaires, environnementales et sécuritaires», et «relancer et diversifier les marchés interne, puis international du tourisme et artisanat».
■ Un système de veille et de pilotage spécifique
Compte tenu de la complexité et de l’incertitude de l’évolution des marchés, le tourisme a besoin, aujourd’hui plus que jamais, d’un système de veille et de pilotage spécifique. A ce titre, l’AEI recommande la mise en place d’un comité de suivi et de veille dédié au seul tourisme. «Ce comité doit prendre, au plus vite, les dispositions nécessaires pour permettre à ce secteur stratégique de reprendre ses activités. Ses travaux doivent se poursuivre, au-delà de 2021, pour assurer la sauvegarde des entreprises de tourisme, veiller à la relance du secteur et retrouver voire dépasser les niveaux d’activité d’avant 2020», suggère l’Alliance appelant à «inclure le tourisme et l’artisanat dans les dispositifs économiques d’urgence aux niveaux national et régional». L’élaboration d’un plan d’urgence juillet 2020 – décembre 2022, pour la mise en œuvre de mesures concrètes pour la réouverture progressive des destinations et équipements touristiques, ainsi qu’une stratégie permettant à l’écosystème tourisme de s’adapter aux nouvelles donnes post-Covid et prendre en compte la protection sanitaire, la durabilité environnementale, l’inclusion sociale et la transformation digitale, ne sont pas en reste.
■ Sauvegarder les emplois et réinventer le tourisme
La vision de l’AEI accorde une grande importance au maintien des emplois, le soutien de l’activité des artisans et travailleurs indépendants et la protection des groupes les plus vulnérables. Pour y parvenir, il faut exonérer les entreprises concernées, qui préservent une moyenne de 50% de leurs salariés entre 2020 et 2021, des charges sociales et fiscales (IR, CNSS) jusqu’à fin 2020, et les réduire de moitié pour 2021, réglementer et faciliter le recours au travail à temps partiel et à temps aménagé, outre promouvoir le travail à domicile et le télétravail pour les fonctions support, et proroger les aides sociales pour préserver les revenus des salariés et les indépendants mis en chômage total ou partiel jusqu’à fin 2021. Défiscaliser les départs à la retraite anticipée pour les plus de 55 ans, à leur demande, et renforcer les capacités et habilités professionnelles des ressources humaines, figurent parmi les propositions. En outre, l’AEI appelle à la réinvention du tourisme, en adaptant l’offre touristique du Maroc aux nouvelles exigences sanitaires mondiales. A ce titre, la création d’un label marocain à portée internationale «Green & Safe» et la reconsidération du contenu de l’offre globale et son packaging, notamment en lançant un chantier de transformation digitale des opérateurs de tourisme, et en intégrant le tourisme médical et sanitaire parmi les niches à développer, sont vivement recommandées.
Promouvoir les régions
Le tourisme domestique est un réservoir d’importance capitale pour les industries touristiques nationales. Depuis 2014, le marché domestique national, comparé aux autres pays émetteurs, représente le premier contributeur aux nuitées touristiques du Maroc avec près de 40%. Nos dépenses voyages formelles à l’étranger se sont élevées à près de 21 milliards de DH en 2019, soit plus de 26% de nos recettes voyages. Ce qui représente un grand potentiel pour nos professionnels.
A ce propos, l’AEI préconise la promotion du tourisme des régions et le tourisme domestique national, puis le tourisme MRE (qui restera tributaire de la réouverture des frontières et la reprise du transport aérien international). Pour cela, il faudra poursuivre et accentuer la multiplication des liaisons aériennes internes opérées par la RAM avec l’appui financier des régions et villes concernées.
Régionaliser le calendrier des vacances scolaires pour étaler la saison touristique, digitaliser la promotion, organiser des espaces d’exposition de vente de packages touristiques et de produits d’artisanat dans les grandes surfaces, et développer une nouvelle intelligence économique d’observation des pays émetteurs et cibler de nouveaux produits-marchés, figurent parmi les suggestions.
Article publié par Youness SAAD ALAMI sur : www.leconomiste.com
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